Le Don
Depuis
toujours l’acte de donner semble être l’une des opérations les plus
familières ne nécessitant pas, à première vue, une définition
sociologique particulièrement précise. Le don se défini tout d’abord
comme une disposition bienveillante puisqu’il n’exige rien en retour. Toutefois
il n’est pas besoin de chercher loin pour voir dans nos propres façons
de faire qu’il y a quelque obligation non seulement à donner mais aussi à
recevoir et surtout à rendre la pareille. En fait, l’acte de donner
paraît impliquer toujours celui de recevoir et de rendre. Deux questions
alors se posent : d’une part celle de la relative universalité du code
des dons échangés, de l’autre, celle la systématique occultation de
l’obligation de rendre alors que le don semble nécessité le rendre.
C’est
avec l’ « Essai sur le don » de Marcel Mauss en 1924, que le don
devient un concept scientifique. Selon Mauss, cette institution, du don,
montre un caractère doublement ambivalent. Premièrement, le don libéral
et gracieux est régulièrement suivi d’un contre don tout aussi
unilatéral et arbitraire. Autrement dit, il faut rendre et même bien
rendre. Il est l’amorce d’une relation réciproque, d’un échange différé.
Un autre paradoxe, l’action de donner qui semble matérialiser une
relation de sympathie, revêt en fait une dimension agressive. Le cadeau
crée une dette et le donateur acquiert un ascendant, un pouvoir. Par
conséquent, ll le contraint à l’obligation de rendre et d’être pris. Du
reste, donner peu, c’est être incapable de rendre, être non seulement
ruiné mais surtout humilié et déchu d’où l’importance des joutes
amicales où l’on rivalise de générosité.
Par
ailleurs et afin de d’appuyer sa thèse, Mauss souligne comment la
racine germanique « gift » signifie cadeau en anglais et poison en
allemand. Il analyse l’échange par dons comme un moment de l’histoire
des systèmes économiques. Et la non-restitution d’un présent est
sanctionnée par la rupture d’une relation économiquement fructueuse.
Il
nous reste alors à déterminer et tenter de comprendre pourquoi
l’obligation de rendre est systématiquement occultée par les
partenaires. La syntaxe des dons réciproques est sans doute plus
complexe que ce qu’en a retenu la théorie sociologique. On qualifie de
« gratuite », une opération par laquelle une seule partie consent un
sacrifice, c’est-à-dire, procure à l’autre un avantage sans rien
recevoir en retour. C’est une pure pensée de générosité et de
bienfaisance. Le don signifie donc que l’on préfère autrui à soi-même.
Néanmoins,
c’est la présomption d’un tel esprit de désintéressement qui éveille la
suspicion et suscite l’hostilité du droit à l’égard de l’attitude
altruiste qui consiste à se dépouiller sans contrepartie.
Pour
conclure, demandons nous si une telle opération, en apparence gratuite
si on l’envisage seule, n’est plus que le maillon d’une chaîne de
dations réciproques. La réintroduction du facteur temps donne à la
générosité figure humaine en la découvrant intéressée. Comme Mauss le
souligne, le don appelle le don puisqu’il signifie un échange différer.
Toutefois,
malgré cet état de fait, Nous sommes tenter de nous accorder avec
Jacques Derrida et d’admettre que le don, comme don véritable, devrait
ne pas apparaître comme don. Car si l’autre le perçoit, s’il le garde
comme don, le don s’annule. De même celui qui donne, ne doit pas le
voir, le savoir non plus. En fait, dès qu’il a l’intention de donner, il
commence à se payer d’une reconnaissance symbolique, ce qu’il croit
avoir donné. Demandons nous alors si le terme don signifie vraiment
quelque chose où non, puisque que dès qu’un don apparaît comme tel il
n’est déjà plus lui-même ?
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